La scène politique camerounaise a été le théâtre d’une annonce majeure ce lundi, jour de clôture du dépôt des candidatures à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Le Professeur Éric Essono Tsimi, universitaire et figure pressentie comme candidat indépendant, a réuni les professionnels des médias pour déclarer officiellement son non-dépôt de candidature. Une décision qu’il qualifie de “difficile mais réfléchie”, dictée par des “impossibilités structurelles” et un “sens des responsabilités”.
Un dossier “bancal” face aux exigences draconiennes
Devant la presse, le Pr Essono Tsimi n’a pas mâché ses mots. Il a refusé de “faire semblant” en déposant un dossier incomplet, ce qui aurait été, selon lui, un “symbole vain” et aurait donné de “faux espoirs” à ses partisans. La pièce maîtresse manquante, l’investiture requise ou la totalité des parrainages légalisés, a rendu son dossier “bancal“.

Le professeur a longuement détaillé les obstacles imposés par la loi électorale camerounaise aux candidats indépendants : l’exigence de 300 signatures validées (au moins 30 par région) s’est avérée être un “véritable parcours du combattant“. Malgré des efforts acharnés et une mobilisation exceptionnelle dans trois régions du Septentrion, la tâche est restée “impossible face aux refus et aux entraves administratives” ailleurs.
Un contexte national tendu et un processus électoral questionnable
Éric Essono Tsimi a également dressé un tableau sombre du contexte national et électoral. Sur le plan sécuritaire, il a rappelé que le Cameroun est en tête des crises de déplacements internes les plus négligées au monde, avec plus d’un million de concitoyens déplacés par les conflits dans le Nord-Ouest, le Sud-Ouest et l’Extrême-Nord. Des chiffres tragiques qui, selon lui, appellent un “changement de cap politique“.

Quant au processus électoral, il a soulevé des doutes sur la “transparence affichée”. Le “ballet de candidatures” déposées à ELECAM, bien que semblant “rassurant”, est en réalité “artificiel“. Il anticipe un scénario similaire à 2018, où sur 29 dossiers déposés, seulement 9 candidats avaient été validés. Pour lui, cette mise en scène sert à “manipuler l’opinion” et à “préparer le terrain à une justification anticipée des abus à venir”. Il a exhorté citoyens et journalistes à garder un “œil critique” sur ce processus pour ne pas “légitimer involontairement un simulacre de compétition”.
Barrières financières, corruption et intimidation : les “dragons suceurs de sang“
Au-delà des exigences légales, le Pr Essono Tsimi a exposé les coûts financiers prohibitifs (une caution de 30 millions de francs CFA, soit plus de 45 000 €) et les dépenses de campagne exorbitantes, dont une part significative a servi à ce qu’il appelle pudiquement des “cadeaux traditionnels” – en réalité, un “
Le climat de corruption et d’intimidation a également été un frein majeur. Des volontaires ont opéré sous la menace, des autorités locales ont découragé la collecte de signatures, et même l’entourage du professeur a subi des pressions directes. Il a dénoncé un système “verrouillé par les barons locaux“, qu’il a qualifiés de “dragons suceurs de sang et d’âme”, qui “se repaissent de la misère qu’ils orchestrent”.
Espoirs déçus mais combat maintenu : “N’importe qui, sauf Biya”
Malgré ce retrait, le Pr Essono Tsimi a affirmé que sa décision n’est “pas un renoncement à nos idéaux de changement”. Il y voit une “étape” et l’occasion de “mieux préparer l’avenir“. Il a exprimé sa gratitude envers ceux qui ont cru en sa candidature, soulignant la “formidable soif d’alternance” de la population, en particulier de la jeunesse camerounaise. Il a aussi salué l’éveil des régions longtemps marginalisées, comme le Septentrion.
Le Pr Éric Essono Tsimi s’est engagé à soutenir un autre candidat de l’opposition. Son choix final n’est pas encore arrêté, mais il sera guidé par un principe clair : “n’importe qui, sauf Biya“. Il rencontrera d’autres acteurs de l’opposition pour maximiser les chances de victoire du “camp du changement”. Le professeur a conclu sur une note d’optimisme, rappelant que l’histoire montre que “les régimes les plus immuables en apparence peuvent basculer lorsque la jeunesse et le peuple décident, ensemble, de prendre leur destin en main.”