C’est dans le cadre solennel de la Salle du Conseil du Port Autonome de Douala (PAD) que s’est tenue, ce jeudi 4 septembre 2025, la cérémonie officielle de remise du rapport final de l’Observatoire des Pratiques Anormales en Afrique Centrale (OPA-AC). Un moment historique qui a acté la transformation profonde et saluée de l’un des poumons économiques majeurs de la sous-région. Financée par l’Union européenne et réalisée par l’Institut Sous-régional de Statistique et d’Économie Appliquée (ISSEA), cette étude exhaustive dresse un bilan sans concession mais résolument positif des performances logistiques sur les corridors de l’Afrique centrale, érigeant le PAD en modèle de résilience et d’efficacité.
Une cérémonie sous le signe de la reconnaissance et de la transparence
L’événement, qui s’inscrit dans la continuité d’une première mission de présentation organisée en juillet 2024, a réuni les hauts responsables du port, les experts de l’ISSEA, les partenaires financiers et techniques, ainsi que des représentants des opérateurs économiques. La tenue de cette cérémonie dans l’enceinte même du port n’est pas anodine : elle symbolise une ère nouvelle de transparence et de dialogue, loin des pratiques opaques qui ont longtemps entaché la réputation des plateformes portuaires de la région.

Le rapport présenté est le fruit de plusieurs années d’investigation méticuleuse menée depuis 2021 par l’OPA-AC, un organisme mis en place par la CEMAC et hébergé par l’ISSEA. Son mandat : observer, analyser et documenter les entraves à la libre circulation des biens sur les principaux corridors, dont les artères vitales Douala-N’Djamena, Douala-Bangui et Douala-Yaoundé-Libreville.
La performance saluée : De 14 à 8 jours, une révolution des délais
Le cœur des conclusions du rapport, et sa revelation la plus marquante, est la réduction spectaculaire des délais de transit. Le temps de séjour moyen des marchandises, qui frôlait autrefois les 14 à 15 jours, a été drastiquement ramené à une fourchette de 8 à 9 jours. Cette compression de près de 40% du délai global n’est pas qu’un simple chiffre ; elle incarne une amélioration tangible de la fluidité opérationnelle, de la productivité et, in fine, de la compétitivité économique de toute la sous-région qui dépend de cette porte d’entrée maritime.

Le Professeur Ngonthe Robert, Conseiller du Directeur général de l’ISSEA et chef de projet adjoint de l’OPA-AC, n’a pas mâché ses mots lors de son allocution : « Les résultats présentés aujourd’hui décernent une mention honorable au Port Autonome de Douala. Ils révèlent une forte amélioration dans la qualité des procédures portuaires et du traitement des camions à destination de l’hinterland. Un corridor logistique commence toujours par le port, le principal point de rupture de charge. Son optimisation est donc la clé de voûte de toute la chaîne. »
Les leviers de la métamorphose : Dématérialisation et suppression des « faux frais »
Comment un tel bond en avant a-t-il été possible ? Le rapport identifie deux leviers principaux, intimement liés : un programme agressif de dématérialisation des procédures et l’éradication quasi-totale des frais parallèles illicites.
1. La révolution digitale : Le PAD a entrepris un vaste chantier de modernisation pour digitaliser des processus critiques. La dématérialisation de documents clés comme la lettre de voiture internationale et le titre de transit a radicalement réduit les contacts physiques entre les opérateurs et les administrateurs. « Les procédures qui se faisaient de manière physique ont été dématérialisées, ce qui a permis de contracter les délais et de supprimer les opportunités de pratiques anormales », a confirmé le Professeur Ngonthe. Cette transparence numérique a asphyxié les circuits de corruption et accéléré chaque étape, du pesage au pont bascule à la pose de la balise GPS et jusqu’à la sortie des marchandises.
2. La fin des « faux frais » : Longue source de griefs pour les armateurs et transporteurs, la prolifération de coûts informels et illégaux a été significativement endiguée. Cette assainissement financier, couplé à la réduction des délais, a restauré la confiance des opérateurs économiques et rendu le port bien plus attractif pour les investisseurs internationaux.
Joseph Nguene Nteppe, Chef de division de l’analyse, de la prospective et de la coopération au PAD, a souligné l’impact de ces avancées : « Les délais et les coûts de passage portuaire sont des critères déterminants de compétitivité. Le port de Douala dispose désormais de procédures favorables au transit rapide, ce qui constitue un indicateur positif pour son attractivité. »

Les défis persistants : La dernière ligne droite vers l’excellence
Si le rapport est globalement élogieux, il n’occulte pas pour autant les obstacles restants. La métamorphose est en cours, mais non achevée.
M. Nguene Nteppe a lui-même identifié les chantiers prioritaires :
- L’optimisation technique de la dématérialisation : Des problèmes de connectivité internet et des coupures d’électricité intermittentes viennent encore entraver la fluidité des procédures 100% digitales.
- L’optimisation des dispositifs de sécurisation : Le processus de pose des balises GPS, bien que nécessaire pour la traçabilité et la sécurité des marchandises (mettant fin aux vols qui étaient autrefois un fléau), doit être rationalisé pour réduire les temps d’attente des camions.
Des défis que les responsables semblent déterminés à relever. Le Professeur Ngonthe a d’ailleurs affiché un optimisme prudent : « Nous sommes confiants que ces problèmes techniques seront résolus d’ici la fin de l’année. »
Une portée régionale et une vision d’avenir
L’étude, en se focalisant sur les marchandises en transit (représentant 10% du trafic total mais 100% de l’impact régional), offre un baromètre fiable de la santé logistique de l’Afrique centrale. Les progrès enregistrés au PAD profitent directement aux économies tchadienne, centrafricaine et gabonaise, en abaissant le coût des importations et en sécurisant les approvisionnements.
La cérémonie de ce 4 septembre n’est donc pas un point final, mais un jalon. Elle valide les efforts entrepris et trace la voie à suivre : parachever la digitalisation, stabiliser l’écosystème technique et poursuivre inlassablement la quête d’efficacité. L’OPA-AC a annoncé la tenue prochaine d’ateliers régionaux pour diffuser ces bonnes pratiques et encourager une collaboration accrue entre tous les acteurs des corridors.

Le Port Autonome de Douala, par cette mention honorable, ne se contente pas de recevoir un satisfecit ; il s’impose comme la preuve vivante qu’une gouvernance portuaire moderne, transparente et efficace est possible en Afrique centrale. Il devient ainsi un standard, un phare pour toute la région, démontrant que la performance logistique est le socle incontournable du développement économique.


