Dans un contexte d’attente nationale et internationale, le Président du Conseil Électoral d’Elections Cameroon (ELECAM), Enow Abrams Egbe, a tenu à faire le point ce 17 Octobre 2025, pour dresser un état des lieux exhaustif du processus électoral consécutif à la présidentielle du 12 octobre 2025. Cette communication, à la fois technique et politique, visait à rassurer l’opinion publique sur la rigueur, l’indépendance et la transparence du processus en cours.
L’indépendance institutionnelle d’ELECAM : Un pilier constitutionnel et légal
D’emblée, le Président Enow Abrams Egbe a rappelé avec force le fondement juridique et la mission cardinale d’ELECAM. “Notre mission est définie de manière claire par la loi électorale : veiller au respect de la loi électorale par tous les intervenants d’une part et garantir des élections libres, transparentes, équitables et crédibles d’autre part”, a-t-il déclaré.

Cette mission s’appuie sur un principe intangible : l’indépendance des membres de l’institution. En vertu de l’article 5 du Code Electoral, ces derniers “ne reçoivent, à cet égard, aucune instruction d’aucune autorité politique ou administrative“. Cette disposition n’est pas anodine dans le paysage politique camerounais. Elle est présentée comme “la pierre angulaire de la crédibilité du processus électoral”.
La composition du Conseil Electoral reflète une volonté de pluralisme. Ses 18 membres sont issus de l’administration, des partis politiques et de la société civile, formant un collège qui se veut représentatif des forces vives de la nation.
Une collaboration encadrée : L’administration, partenaire et non décideur
Un des points les plus sensibles dans tout processus électoral en Afrique est la relation entre l’organe de gestion des élections et l’administration gouvernementale. Le Président d’ELECAM a pris soin de clarifier cette relation, la définissant comme une “collaboration” strictement encadrée par la loi.
L’article 43 (2) du Code Electoral dispose que “les administrations de l’État apportent leur collaboration et leur appui à Elections Cameroon”. Mais cette collaboration est circonscrite à un domaine précis : “la logistique sécuritaire uniquement afin de protéger les électeurs, les candidats, les agents électoraux, les observateurs, ainsi que le matériel électoral“.
Cette précision est cruciale. Elle vise à dissiper toute perception d’ingérence de l’exécutif dans le processus, une critique récurrente dans les démocraties émergentes.
La démocratie délibérative : Les concertations nationales comme outil de pacification
L’accent a été mis sur l’approche inclusive adoptée par ELECAM. Au-delà des obligations légales, l’institution a élargi le dialogue à l’ensemble des parties prenantes. “Le Conseil Electoral organise des concertations régulières avec l’ensemble des parties prenantes au rang desquelles se retrouvent également les partis politiques et la société civile. Nous y avons même associé les médias”, a souligné le Président.
La tenue de la 8ème concertation nationale le 11 septembre 2025, en prélude au scrutin, a été un moment fort de ce processus. L’adoption d’un “code de bonne conduite” par tous les acteurs représente une innovation significative dans le paysage électoral camerounais. Ce code sert de “boussole pour encadrer les comportements républicains à observer par les uns et les autres avant, pendant et après le scrutin”.
L’architecture méticuleuse du dépouillement : De la base au sommet
La partie la plus technique de l’exposé a concerné la chaîne de traitement des résultats, décrite comme un processus “rigoureux” établi par le législateur.
Au niveau local : La Commission Locale de Vote
Chaque bureau de vote est géré par une commission composée d’un président désigné par ELECAM, d’un représentant de l’administration et d’un représentant de chaque candidat. Le dépouillement se fait “immédiatement après la clôture effective du vote en présence des électeurs et des scrutateurs”.
La transparence à ce niveau est matérialisée par la multiplicité des copies du procès-verbal : “Dans le cas de cette élection présidentielle ayant eu 12 candidats, le procès-verbal a été établi en 16 exemplaires dans chaque bureau de vote”. Chaque membre présent reçoit un exemplaire, créant ainsi un système de contre-pouvoir immédiat.
Le respect des délais a été souligné : “Les 31 653 commissions locales de vote ont effectivement assuré la régularité du scrutin et ont transmis leurs procès-verbaux aux différentes Commissions Départementales de Supervision le mardi 14 octobre 2025, soit dans les délais de 48h imparti par la loi”.
Au niveau départemental : La Commission Départementale de Supervision
Présidée par le président du tribunal de grande instance, cette commission compte des représentants de l’administration, d’ELECAM et de chaque candidat. Sa mission : “centraliser et vérifier les opérations de décompte de suffrages effectuées par les commissions locales de vote“.
Là encore, le calendrier a été respecté : “Depuis le 16 octobre 2025 tous les procès-verbaux des travaux des 58 commissions départementales de Supervision […] ont été transmis à la Commission Nationale de Recensement Général des votes”.
Au niveau national : La Commission Nationale de Recensement Général des Votes
Instance suprême du décompte, elle est présidée par un membre du Conseil Constitutionnel et comprend des magistrats, des représentants de l’administration, d’ELECAM et de chaque candidat. Ses travaux ont débuté ce 17 octobre au siège du Conseil Constitutionnel.
La prudence institutionnelle face à l’attente médiatique
Dans un contexte où les rumeurs et les résultats partiels circulent sur les réseaux sociaux, le Président Enow Abrams Egbe a adopté une position de stricte réserve : “À ce stade de l’évolution des opérations il ne m’est pas possible de disposer des statistiques qui sont actuellement analysées par les Commissions compétentes“.
Cette prudence est présentée comme un gage de sérieux et de respect des procédures. Les résultats ne seront officiels qu’après la proclamation par le Conseil Constitutionnel, qui dispose d’un “délai maximum de 15 jours à partir de la clôture du scrutin”.
Un plaidoyer pour l’intégrité de l’information
Le Président n’a pas éludé les défis contemporains liés à la désinformation. Il a lancé un appel à “la vigilance de nos concitoyens contre les actes de désinformation, de manipulation de l’opinion public et les discours de haine en cette période électorale”.
Cet avertissement reflète la prise de conscience des nouvelles menaces qui pèsent sur l’intégrité des processus démocratiques à l’ère numérique.
Un bilan préliminaire positif
Le ton général de la communication a été résolument positif, saluant un scrutin qui “s’est déroulé dans un climat de calme relatif, de maturité démocratique et de responsabilité citoyenne”. Les “parties prenantes” ont été remerciées pour leur contribution à ce “déroulement exemplaire”.
Conclusion : Une institution en quête de légitimité
Au-delà du simple compte-rendu procédural, cette conférence de presse apparaît comme un exercice de légitimation institutionnelle. Face aux défis historiques de crédibilité électorale au Cameroun, ELECAM, à travers la voix de son président, tente d’incarner une nouvelle ère de transparence et de professionnalisme électoral.
La référence constante aux textes de loi, la description méticuleuse des procédures, l’insistance sur les délais respectés et l’inclusion des parties prenantes dessinent le portrait d’une institution qui cherche à s’imposer comme un arbitre indépendant et compétent.
Reste à savoir si cette démonstration de rigueur procédurale suffira à convaincre l’ensemble des acteurs politiques et la société civile de l’infaillibilité du processus. La réponse viendra dans les prochains jours, avec la proclamation des résultats et leur acceptation – ou contestation – par les différents candidats et l’opinion publique.
En attendant, le message est clair : ELECAM entend assumer pleinement son rôle de garant de “la sincérité du scrutin” et d’acteur de “la consolidation de la démocratie” au Cameroun.