ENVIRONNEMENT

Sécurité alimentaire et biodiversité: Le Cameroun et la FAO lancent le Legal Hub pour des réformes juridiques éclairées

Written by Annette Olinga

Le Cameroun a officiellement lancé ce 7 Novembre, le « Legal Hub », une plateforme numérique innovante destinée à révolutionner la gouvernance du patrimoine faunique. Cet outil stratégique, fruit d’une collaboration entre le gouvernement camerounais et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), vise à renforcer l’État de droit environnemental en centralisant et en rendant accessible l’analyse juridique pour une gestion durable de la faune sauvage.

Une réponse à une crise multidimensionnelle

La cérémonie de lancement, présidée par M. Elias Georges Messina, Chef de la Cellule juridique du Ministère des forêts et de la faune (MINFOF), et marquée par les allocutions du Dr Antonio Luís Querido, Représentant de la FAO au Cameroun, et de M. Joseph Nyongwen, Secrétaire général du MINFOF, a souligné l’urgence de la situation.

Face à une exploitation souvent illégale et croissante des ressources, à la pression sur les habitats naturels et au braconnage, la faune camerounaise est sous tension. Cette crise affecte directement les communautés rurales et autochtones, qui dépendent de ces ressources pour leur sécurité alimentaire, leurs revenus et leur identité culturelle. « La raréfaction de la faune affaiblit en premier lieu les populations rurales », a rappelé le Dr Querido, pointant du doigt la compétition directe que ces populations subissent face aux employés des sociétés forestières, aux braconniers et aux migrants attirés par les opportunités d’emploi.

Dans ce contexte, le cadre juridique apparaît comme un levier essentiel, mais son accessibilité et son application restent complexes. Le Legal Hub se positionne comme la pierre angulaire d’une réponse structurelle à ces défis.

Le Legal Hub : bien plus qu’une simple bibliothèque numérique

Présentée par Cécile Duclaux-Monteil, juriste du SWM Programme, la plateforme est conçue comme un instrument dynamique de transformation.

« Il s’agit d’un outil stratégique pour la justice environnementale, une réponse aux défis de durabilité et de résilience et une approche collaborative et inclusive », a résumé le Dr Querido.

Concrètement, le Legal Hub dépasse la simple fonction d’archive. Il centralise, structure et diffuse les analyses juridiques relatives à la faune sauvage, offrant une base documentaire interactive sur les textes nationaux et régionaux. Son objectif est multiple :

  • Faciliter l’accès à l’information : « Parce que vous savez parfois pour trouver un texte juridique, notre journal officiel n’apparaît pas de manière régulière », a illustré Mme Duclaux-Monteil. La plateforme comble ce vide en rendant les lois et règlements facilement accessibles à tous.
  • Soutenir des réformes éclairées : Elle nourrit le processus législatif en cours, notamment l’élaboration des textes d’application de la loi phare N°2024/008 du 24 juillet 2024 sur les forêts et la faune.
  • Renforcer les capacités : En fournissant des éléments pratiques, elle aide à répondre à des questions de droit concrètes, comme les conditions de gestion d’un territoire communautaire de chasse ou les procédures d’indemnisation des victimes de conflits homme-faune.

Une approche collaborative au service d’une loi transformatrice

Le Legal Hub n’est pas né ex nihilo. Il est l’aboutissement d’un long processus collaboratif impliquant une multitude d’acteurs. Des ateliers de validation des analyses juridiques, tenus à Ebolowa en mai et juillet 2025, ont rassemblé un large éventail d’institutions : MINFOF, MINEPIA, MINJUSTICE, MINSANTE, MINAT, ainsi que des partenaires techniques comme le CIFOR-ICRAF, le WWF et TRAFFIC. Cette approche inclusive visait explicitement à « faire du droit un levier de progrès et non un frein », en l’adaptant aux réalités locales.

Cet effort collectif se concentre désormais sur un chantier prioritaire : l’élaboration des textes d’application de la nouvelle loi, qui comporte pas moins de 88 renvois à des textes réglementaires. M. Messina a détaillé les quatre textes majeurs en cours de finalisation avec l’appui de la FAO :

  1. Le projet de décret d’application de la loi.
  2. Un texte sur la classification des espèces animales en classes de protection A, B et C.
  3. Un texte crucial sur l’indemnisation des victimes de conflits homme-faune, « une nouveauté dans la loi » particulièrement attendue dans les régions septentrionales du pays.
  4. Un quatrième texte dont la nature n’a pas été précisée lors de la cérémonie.

Au cœur de l’action : les communautés locales et la sécurité alimentaire

La plateforme et les réformes qu’elle accompagne placent les communautés au centre de leur action. Le projet travaille déjà avec 10 communautés Bantu et 10 communautés Baka, identifiant leurs besoins et leurs connaissances de la loi. L’objectif est de les accompagner dans la constitution de comités de chasse et le développement d’une chaîne de valeur pour une viande de brousse saine et légale.

« Cette plateforme vient donner des éléments pratiques et techniques fonctionnels pour répondre à une question de droit », a insisté Cécile Duclaux-Monteil. Un anthropologue doit prochainement être recruté pour approfondir le travail sur les droits coutumiers, afin que la loi intègre véritablement les réalités locales.

Un projet ancré dans une initiative internationale

Le Legal Hub s’inscrit dans le cadre du Programme de gestion durable de la faune sauvage (SWM Programme), une initiative internationale majeure financée par l’Union européenne et cofinancée par le Fonds français pour l’environnement mondial et l’Agence française de développement. Déployé dans 17 pays, le programme est coordonné par un consortium regroupant la FAO, le CIFOR-ICRAF, le CIRAD et la Wildlife Conservation Society (WCS). Au Cameroun, la coordination des activités est assurée par le CIFOR-ICRAF.

Une étape fondatrice pour une gouvernance renouvelée

Le lancement du Legal Hub marque une étape décisive dans la modernisation de la gouvernance environnementale au Cameroun. Plus qu’un outil technologique, il incarne une volonté politique affirmée de concilier conservation de la biodiversité, justice sociale et résilience des communautés. En rendant le droit plus accessible, plus transparent et mieux adapté aux réalités du terrain, le Cameroun, avec l’appui de ses partenaires, se dote d’un instrument puissant pour faire de la loi non plus une contrainte, mais un véritable levier de progrès au service de sa faune et de sa population. Comme l’a conclu le Représentant de la FAO, l’ambition est de faire de ce Legal Hub « un modèle régional de gouvernance environnementale ».

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