Le secteur de la cosmétique est en plein essor en Afrique et pourtant cela constitue une bombe à retardement quant à la survenue de nombreuses maladies comme revers. Les services de dermatologie, de néphrologie (hémodialyse) et de cancérologie y recruteront de nombreux clients…
Le 09 Août dernier, le Ministre de la Santé Publique, Dr MANAOUDA Malachie a suspendu la commercialisation de plusieurs compléments alimentaires et de boissons diététiques au Cameroun en raison de l’absence d’autorisation. Ceci est intervenu à la suite d’un reportage sur France 24 présentant un produit comestible destiné à l’éclaircissement de la peau. Dans la foulée, un ballet des Promoteurs desdits produits a été observé dans l’enceinte de son département ministériel. L’une des promotrices, d’après le communiqué de son collaborateur, affirme avoir mis à la disposition du Ministre des échantillons ainsi que les certificats internationaux de ses produits y compris la reconnaissance par la FDA (Foods and Drugs Administration) qui est l’agence fédérale Américaine des produits alimentaires et médicamenteux basée aux États-Unis. L’on est en droit de se demander s’il y a une plus-value de ces certificats quant à la crédibilité de ces produits. Quel est leur portée et que valent-ils en réalité?
Nous y apporterons des éléments de réponse en rappelant la dangerosité inhérent à certains composants des produits cosmétiques (I), en rappelant le contexte réglementaire et normatif de la cosmétique au Cameroun (II) et en donnant des précisions sur chacun des certificats que dispose une de ces entreprises (III). La clôture de cette analyse portera sur le point de vue personnel quant à l’usage de ces produits.
I- COMPOSANTS PHARE DES PRODUITS DE COSMÉTIQUE
De ce qui ressort du reportage de France 24 ayant sonné le glas, les principaux composants de ces produits sont le glutathion et la alpha-arbutine.
Bien que le glutathion soit connu comme ses effets bénéfiques dans la détoxication de l’organisme et le renforcement de l’immunité, cette petite protéine produite par le foie agit, à dose élevée, sur la mélanine en réduisant son taux contribuant à l’éclaircissement de la peau.
L’alpha-arbutine est aussi un produit éclaircissant qui est extrait de certaines plantes. Il s’agit d’un dérivé de l’hydroquinone (substance éclaircissante pouvant provoquer des eczémas de contact et des irritations lors d’applications répétées).
La dose recommandée de glutathion est de 300 à 350 mg par jour sur un maximum de 3 mois. Les taux supérieurs à 600 mg présentent déjà une dangerosité. Pris sur le long terme, le glutathion entraîne une baisse des niveaux de zinc, la décoloration des ongles Le glutathion inhalé peut déclencher des crises d’asthme chez les personnes asthmatiques. Les symptômes peuvent inclure une respiration sifflante.
L’alpha-arbutine s’est peu à peu imposé comme une alternative plus douce à l’hydroquinone pour atténuer l’apparence des taches pigmentaires. Les produits éclaircissants en général ont des effets négatifs : Irritation de la peau avec éruptions cutanées · Sensibilité au soleil · Rougeur d’une réaction allergique. Le risque de cancer est élevé chez le sujets qui utilisent ces produits.
La notion de dose étant pertinente ici, il convient que tout produit ait été au préalable validés par des organismes étatiques et internationaux. Ceci passe par l’obtention des certificats dont la diversité témoigne des différentes spécificités à prendre en compte.
II- CONTEXTE NORMATIF DE LA COSMÉTIQUE AU CAMEROUN
Contrairement aux pays comme la Suisse, la France ou la Côte d’Ivoire qui ont clairement légiféré sur les produits cosmétiques, le Cameroun ne s’est pas encore doté d’un texte de loi exclusif en la matière. Le « Made in Cameroon » en matière de produits cosmétiques a néanmoins bénéficié d’une attention spéciale dans la circulaire afférente à l’exécution de la Loi de finances 2021. En effet, pour réduire les importations, l’exécutif Camerounais avait alors supprimé les droits d’accises sur les produits cosmétiques locaux (Agence Ecofin). Pour importer ces produits au Cameroun, une autorisation du Ministre de la Santé Publique est requis conformément à l’arrêté n° 2001/MINSANTÉ du 22 Novembre 2007 portant règlement de la production et de la distribution des compléments alimentaires au Cameroun. Les dispositions à respecter dans le cadre de l’importation des produits pharmaceutiques titulaires d’une Autorisation de Mise sur le Marché Camerounais contenues dans la lettre Circulaire du 09 Août 2019 doivent aussi être respectées afin de pouvoir commercialiser certains produits. La loi-cadre sur la sécurité sanitaire des aliments du 11 Décembre 2018 donne les principes et les bases réglementaires des aliments y compris des compléments alimentaires.
Sur le plan normatif, l’Agence des Norme et de la Qualité (ANOR) a rédigé une quinzaine de Normes Camerounaises (NC) destinées au secteur de la cosmétique. Il s’agit de la norme générale des produits cosmétiques, des normes relatives aux caractéristiques des pâtes dentifrices (NC 802), des savons de toilette (NC 803), des bains dermatologiques, des gels de douche, des parfums (NC 815) , des lotions et des crèmes (NC 813). Il existe aussi des normes sur les bonnes pratiques de fabrication en cosmétique (NC 806), sur la recherche et la détection de certains microbes et bactéries (de NC 808 à NC 812), ainsi que la norme générale d’étiquetage (NC 804) et d’hygiène corporelle (NC 814).
À toutes ces normes s’ajoutent les standards internationaux de l’Organisation Internationale de Normalisation ( International Standard Organization-ISO) qui sont acceptés mais ne peuvent remplacer les normes NC.
III- LES CERTIFICATS PRÉSENTÉS PAR L’UNE DES ENTREPRISES
Après la suspension de la vente des compléments alimentaires par le Ministre de la Santé, la responsable de l’une des entreprises est allée à sa rencontre. Parmi les éléments remis au Ministre se trouvent les certificats internationaux. Sans être pour ou contre cette entreprise, je me permets d’en présenter pour éclairer la lanterne de ceux qui en ont besoin :
👉🏾 GB/T 19001-2016 / ISO 9001-2015 qui concerne la certification du fonctionnement harmonieux de l’entreprise qui fabrique ces produits selon les exigences de la qualité contenues dans la norme GB/T 19001 (équivalent Chinois de ISO 9001).
👉🏾 ISO 22000:2018: La reconnaissance que l’on a mis en place un bon Système de Management de la Sécurité des Denrées alimentaires. Ceci témoigne à la fois d’une bonne démarche HACCP combinée au bon fonctionnement de l’entreprise !
👉🏾 Conformité au Système HACCP: la démarche HACCP ( Hazard Analysis and Critical Control Points) consiste en effet à analyser les dangers/risques et à maîtriser les points critiques lors du processus de fabrication.
👉🏾 Certificat de libre vente: délivré par la Chambre du Commerce de la Chine, il atteste que les produits peuvent être vendus et consommés aussi bien en Chine qu’à l’étranger.
👉🏾 Certificat de Bonnes Pratiques de Fabrication des produits destinés à la santé il certifie le processus de fabrication.
👉🏾 Enregistrement à la FDA: Ceci est la reconnaissance de l’entreprise par la FDA ( Food and Drug Administration ) qui est la plus grosse structure de validation de tout ce qui est aliments et médicaments au États-Unis et dont la notoriété n’est plus à démontrer. Cet enregistrement concerne la section 305 de la FDA relative à la préparation aux situations d’urgence concernant la sécurité des produits et le bioterrorisme (dissémination délibérée d’un microbe ou d’une maladie).
Après exploration de tous ces documents, s’il est avéré que c’est l’entreprise à l’origine de de ces compléments alimentaires, il n’y a pas de doute que : (1) les produits sont fabriqués selon les règles de l’art en matière de sécurité des denrées alimentaires et aussi de ceux destinés à la santé , (2) le processus de fabrication est conforme et que le risque que le produit en lui-même soit un problème pour la santé est limité. Par contre, non seulement (3) les preuves de l’efficacité ne ressortent pas, mais (4) rien ne témoigne d’un avis favorable du gouvernement Camerounais pour son importation et sa commercialisation.
Avoir les certificats internationaux ne suffit pas. Nous sommes dans un pays de droit qui dispose au-delà des textes de loi d’une bagatelle de normes spécifiquement conçues pour le contexte Camerounais !
CONCLUSION
Le secteur de la cosmétique est en plein essor en Afrique et pourtant cela constitue une bombe à retardement quant à la survenue de nombreuses maladies comme revers. Les services de dermatologie, de néphrologie (hémodialyse) et de cancérologie y recruteront de nombreux clients. Les femmes Africaines ont une peau qui le plus souvent ne nécessite qu’un minimum d’entretien.
Dr MOUELEU Pierre
Biologiste – Consultant en QHSE (Qualité, Hygiène, Sécurité et Environnement)