POLITIQUE

Crise au FDC : Denis Emilien Atanga accuse son ex-candidat Hiram Samuel Iyodi d’avoir « saboté » la présidentielle

Written by Annette Olinga


Au lendemain d’une élection présidentielle présentée comme un échec pour l’opposition, le président du Front des Démocrates Camerounais (FDC) dresse un récit accablant de la trahison de son poulain, présente ses excuses à la nation et esquisse une nouvelle stratégie tournée vers les législatives et municipales de 2026.

L’atmosphère était lourde de déception et de colère rentrée, ce lundi 13 octobre, au siège du FDC où Denis Emilien Atanga, président national du Front des Démocrates Camerounais (FDC), s’est adressé à la presse. Seulement quelques heures après la fermeture des bureaux de vote de la présidentielle du 12 octobre 2025, dont le résultat semble devoir confirmer la victoire du candidat du RDPC, Paul Biya, le leader du FDC n’est pas venu pour contester les chiffres, mais pour régler ses comptes et tirer les leçons d’un naufrage interne qu’il qualifie de « sabotage ».

Le véritable adversaire, selon M. Atanga, n’était pas tant le parti au pouvoir, mais un « cheval de Troie » au sein de son propre camp : son candidat investi, Samuel Hiram Iyodi.

Un Rêve Brisé : La Trahison de l’Intérieur

L’intervention de Denis Emilien Atanga fut moins un discours politique conventionnel qu’un récit minutieux et douloureux d’une trahison. Il a retracé les débuts prometteurs de l’aventure : l’adhésion de M. Iyodi, un jeune candidat dont la profilature semblait incarner la soif de renouveau et la participation de la jeunesse camerounaise. « La Candidature de Monsieur Hiram Samuel IYODI sous la bannière du FDC a suscité un extraordinaire courant de sympathie », a concédé M. Atanga, laissant transparaître l’amertume d’une opportunité historique gâchée.

Le point de rupture, selon lui, se situe juste après la conférence de presse de présentation officielle du candidat, organisée en grande pompe le 31 juillet dernier à l’Hôtel Djeuga Palace. « Depuis cette date, je peux dire que le FDC a complètement perdu le fil de cette Campagne », a-t-il déclaré.

S’ensuivit une litanie impressionnante de griefs, dressant le portrait d’un candidat ayant systématiquement œuvré à marginaliser son propre parti. Parmi les accusations les plus graves :

  • La confiscation de la campagne : La direction de la campagne, normalement dévolue au président du FDC, lui aurait été soustraite.
  • La mise à l’écart des cadres du parti : Les militants et cadres du FDC, de Yaoundé à Douala, de Maroua à Kribi, auraient été « froidement écartés » du processus, sans explication.
  • Des alliances troubles : M. Iyodi aurait pris des « actes administratifs de Campagne avec le Parti MP3 », une formation sans rôle officiel dans le processus, agissant en dehors du cadre du FDC.
  • Un sabordage en règle : Absence de programme de campagne, manque criant de supports de communication, refus d’organiser des meetings, faible présence médiatique… La liste des carences évoquées peint le tableau d’une campagne fantôme, conçue pour échouer.

« Nous avons même la nette Conviction que Monsieur Hiram Samuel IYODI était clairement en mission pour Saboter le FDC et le Projet de Vrai Changement que nous portions », a lâché Denis Emilien Atanga, conclusion sans appel qui transforme l’échec électoral en affaire de haute trahison politique.

Les Excuses et la Résilience : « Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort »

Face à ce fiasco, le président du FDC a adopté une posture rare en politique : celle de la contrition et de l’humilité. Se tournant vers les militants, les sympathisants et la jeunesse camerounais désillusionnés, il a présenté des « excuses profondes et sincères ».

« Je vous demande à tous Pardon ! », a-t-il lancé, assumant la responsabilité d’avoir « fait confiance à un Jeune Candidat » et d’avoir été « abusés ». Ce moment de franchise, teinté d’une grande émotion, visait clairement à sauver la relation de confiance avec la base du parti. Il a reconnu la « bonne foi » des militants, les dédouanant ainsi de toute responsabilité dans cet échec.

En filigrane, un message de résilience : « Ce qui ne vous Tue pas, Vous rend Fort. » Le FDC, meurtri, entend faire de cette amère expérience une leçon pour l’avenir.

Projection et Nouvelle Stratégie : La Conquête du Pouvoir Local en Ligne de Mire

Si la présidentielle 2025 est un « rendez-vous manqué », Denis Emilien Atanga refuse de s’apitoyer. Son regard est déjà tourné vers les échéances de 2026 : les législatives et les municipales. C’est dans cette seconde partie de son discours que le stratège politique a repris le dessus, esquissant une refonte complète de la doctrine du FDC.

Il a appelé les Camerounais, et particulièrement les jeunes, à une « conquête des mairies » et à se « ruer au Parlement ». Son analyse est percutante : « Ne tombons plus dans le Piège de “Etoudi ou Rien”. » Pour le FDC, la quête du pouvoir présidentiel, souvent perçue comme l’unique graal politique, est un leurre qui a conduit à négliger les arènes où le pouvoir se construit et s’exerce concrètement.

« Le pouvoir se trouve aussi dans les communes. Le pouvoir se trouve aussi à l’Assemblée Nationale », a-t-il martelé. Il a vanté les mérites de l’engagement local, « où l’on apprend la vraie politique », où « se construit notre quotidien » et où l’on contrôle l’action gouvernementale. Ce recentrage est un aveu lucide : après l’échec d’une stratégie centrée sur la présidentielle, le FDC mise sur un enracinement local et une bataille parlementaire pour peser sur la vie politique nationale.

Pour ce faire, il a lancé un double appel solennel :

  1. Une inscription massive sur les listes électorales dès janvier 2026.
  2. Une adhésion au FDC pour porter les listes du parti aux prochains scrutins.

Un Parti Meurtri, mais Déterminé à Renaître

La conférence de presse de Denis Emilien Atanga marque un tournant pour le FDC. Elle acte l’échec cuisant d’une stratégie de candidature jeune et charismatique, minée par ce qui est présenté comme un acte de sabotage interne. Elle est le récit d’un parti qui a frôlé la dissolution de l’intérieur.

En pointant du doigt Hiram Samuel Iyodi, le FDC tente d’exorciser ses démons et de rejeter la responsabilité de l’échec sur un traitre plutôt que sur une possible défaillance structurelle. En présentant ses excuses, il tente de ressouder une base ébranlée. En se projetant vers 2026, il cherche une issue à la crise et un nouveau cap.

Le message final est un mélange de réalisme et de défi : « Nous félicitons et saluons la victoire du candidat du RDPC Monsieur Paul BIYA », une concession de forme qui n’ôte rien à la fermeté du fond. La lutte, assure M. Atanga, continue, mais elle ne se fera plus en confiant l’étendard à des inconnus. Elle se fera par la base, dans les communes et à l’Assemblée, ou ne se fera pas. Le FDC, brûlé, espère bien renaître de ses cendres en apprenant, douloureusement, que le changement ne vient pas toujours de là où on l’attend.


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