Alors que la campagne présidentielle camerounaise entre dans sa phase décisive, la région de l’Est vient d’offrir , un spectacle de ferveur et d’allégeance totale au chef de l’État sortant, Paul Biya. Lors d’un grand rassemblement organisé à Bertoua, la capitale régionale, les militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) ont transformé la place des fêtes en une immense chambre d’écho pour répéter un message unique, destiné à être porté jusqu’au sommet de l’État : « Notre loyauté est indéfectible. »
Plus qu’un simple meeting de campagne, cet événement s’est érigé en cérémonie de renouvellement du pacte de fidélité qui lie cette région frontalière, riche en ressources mais en proie à des défis de développement, à l’homme qui dirige le Cameroun depuis plus de quatre décennies.

Une Symbiose Proclamée : « L’Est, c’est Paul Biya »
Dans une rhétorique enflammée, le chef de la délégation de campagne pour l’Est et ministre de la Fonction publique, Joseph Le, a scellé cette union symbolique par une formule choc, devenue le leitmotiv de la journée : « Monsieur le Premier ministre, dites à notre candidat, le président Paul Biya, que l’Est, c’est Paul Biya et que Paul Biya, c’est la région de l’Est. »
Cette déclaration va au-delà du simple slogan électoral. Elle vise à inscrire dans l’imaginaire collectif une identification totale entre le territoire et le leader national, un phénomène classique dans les bastions politiques mais ici poussé à son paroxysme. Joseph Le a ensuite détaillé l’objectif : ne rien laisser au hasard pour le scrutin du 11 octobre et préparer déjà l’après, en invitant le président « dans les mois à venir, non pas comme candidat, mais dans toute sa grandeur et sa splendeur de président de la République ».
La stratégie est claire : présenter la réélection de Paul Biya non comme une simple possibilité, mais comme une évidence incontestable, un destin auquel la région de l’Est est irrémédiablement liée. « La région de l’Est danse au rythme de Paul Biya », a-t-il lancé, sous les acclamations d’une foule visiblement conquise.
La Contre-Attaque : Dénoncer les « Promesses en l’Air »
Face à une opposition qui tente de séduire un électorat jeune et parfois désenchanté, la réplique du RDPC a été sans ambages. Joseph Le a fustigé « certains dirigeants politiques » venus, selon lui, « tromper la jeunesse avec un bâton magique » pour lui promettre un « Eldorado ». Sans les nommer directement, la cible était transparente : les anciens alliés ou membres du régime aujourd’hui ralliés à l’opposition.

« Où étaient-ils lorsqu’ils étaient au gouvernement ? Quel est leur bilan ? », a-t-il tonné, utilisant l’argument de l’expérience et du bilan pour délégitimer les promesses de changement. Ce discours, centré sur la trahison et l’opportunisme, vise à rallier les indécis en semant le doute sur les alternatives. Le ministre s’est félicité que la jeunesse, initialement « trompée », ait « repris ses esprits » pour se ranger derrière la certitude que représente, à ses yeux, le président sortant.
L’Appel à l’Unité Nationale : Un Message Spécial à la Communauté Anglophone
Dans un contexte national marqué par la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le discours de Joseph Le a intégré une dimension particulière : un appel direct à la communauté anglophone de l’Est. En la remerciant pour son rôle dans la « cohésion sociale » et « l’esprit de vivre-ensemble », le ministre a habilement lié le soutien au RDPC et à Paul Biya à un acte de patriotisme et d’engagement pour l’unité du pays.
« Je vous appelle à soutenir le RDPC et Paul Biya, car cela témoignera de votre engagement en faveur de la paix et de l’unité nationale », a-t-il déclaré. Ce passage stratégique dépasse la simple quête de voix. Il cherche à positionner le parti au pouvoir comme le seul rempart contre la fragmentation du pays, un message puissant dans une région qui abrite une population diverse.
La Promesse d’un Vote Massif : La Preuve par le Lom-et-Djerem
La démonstration de force s’est aussi voulue chiffrée. Badel Ndanga Dinga, coordinateur de campagne pour le département du Lom-et-Djerem, a annoncé au Premier ministre que sa circonscription était prête à accorder « 100 % des voix » au chef de l’État. Cette affirmation, plus symbolique que réaliste, sert un objectif précis : afficher une confiance absolue et envoyer un signal de domination politique incontestable, décourageant toute velléité de contestation.
La Réponse du Gouvernement : Le Développement en Ligne de Mire
Le Premier ministre, Dr Joseph Dion Ngute, n’était pas seulement venu recueillir les promesses de soutien. Il était porteur d’un message du chef de l’État, conçu pour répondre aux attentes d’une région au potentiel immense mais encore sous-exploité.
Sur la question cruciale des ressources minières, M. Dion Ngute a assuré que le président avait donné des « instructions spéciales » pour que « la population soit la principale bénéficiaire des richesses de la région ». Cette promesse vise à apaiser les frustrations locales concernant l’exploitation des mines d’or et autres minerais, souvent perçue comme profitant davantage à des intérêts extérieurs.
Concernant les infrastructures routières, un point noir récurrent qui isole de nombreuses communes et entrave le développement économique, le Premier ministre a listé des projets majeurs : la construction et la réhabilitation des axes Ayos-Garoua-Boulai, Abong-Bang-Bertoua et Bertoua-Yokadouma. Ces travaux, s’ils se concrétisent, permettraient de désenclaver la région et de mieux la relier au Nord du pays, stimulant les échanges commerciaux.
En conclusion, le Premier ministre a repris le thème de la défiance envers l’opposition, appelant la population à « ne pas écouter les voix trompeuses » et à croire en « un mandat fondé sur la grandeur et l’espoir ».
Un Bastion Consolidé dans un Contexte National Fragilisé ?
Derrière l’affichage d’une unité de fer, la situation n’est pas sans nuances. Le texte original évoque un paysage politique régional devenu « instable avec le désengagement de ses principaux alliés, notamment le FSNC et l’UNDP ». Cette réunion massive et le discours ultra-offensif doivent donc aussi se lire comme une opération de sécurisation d’un bastion qui ne l’est plus tout à fait. Il s’agissait de resserrer les rangs, de mobiliser les troupes et d’envoyer un message de fermeté à la fois à l’opposition et aux électeurs potentiellement tentés par l’abstention ou un vote contestataire.
Alors que les tambours de l’Est ont, une fois de plus, battu au rythme de Paul Biya, la région se présente comme le rempart le plus solide du pouvoir en place. Le 12 octobre, elle devra transformer cette démonstration de loyauté en une victoire si éclatante qu’elle compensera, si nécessaire, les éventuelles faiblesses ailleurs dans le pays. À Bertoua, le RDPC a joué la carte de la certitude et de la fidélité éternelle, espérant que ce sera, une fois de plus, la clé du succès.