À la veille du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025, le ministre de l’Administration territoriale (Minat), Paul Atanga Nji, a tenu une conférence de presse solennelle et ferme au siège de son département ministériel. Dans un discours sans ambages, le “gardien du temple” électoral a rappelé les règles du jeu démocratique, les enjeux de la présidentielle et a lancé un avertissement sans équivoque à ceux qui seraient tentés de perturber l’ordre public ou de proclamer des résultats en dehors des canaux légaux.
Un rappel à l’ordre en deux temps
Cette sortie médiatique intervient dans un calendrier précis. Le ministre a rappelé que le vendredi 26 septembre, soit 24 heures avant le début de la campagne, il avait déjà sensibilisé les acteurs politiques sur les enjeux de l’élection. “Aujourd’hui, vendredi 10 octobre 2025, soit 24 heures avant la fin de la campagne électorale, le Minat a jugé nécessaire de faire un autre point de presse”, a-t-il déclaré, cette fois-ci à l’intention des candidats, des observateurs, des ONG et de la société civile, “afin que tout le monde soit au même niveau d’information”.
Un bilan de campagne mitigé : entre liberté et manquements
M. Atanga Nji a dressé un bilan en demi-teinte de la campagne électorale qui a duré près de deux semaines. Il a reconnu que “les candidats se sont exprimés librement” et que “globalement le constat est que la campagne électorale […] c’est aussi cela la démocratie”. Cependant, il a déploré que “les lois de la République n’ont pas été toujours respectées par bon nombre de candidats”, citant notamment le défaut de dépôt des programmes de campagne auprès des autorités.
Dans un “souci de compréhension“, l’administration a, selon ses termes, “fait le mort“. Le ministre a attribué cette clémence à une recommandation du chef de l’État, Son Excellence Paul Biya, décrit comme le “champion du fair-play politique”, qui a prôné la “tolérance tant que les manquements ne portent pas atteinte au bon fonctionnement des institutions”.
Cette indulgence affichée a toutefois ses limites. Le ministre a fustigé avec une particulière virulence “les propos irresponsables d’un candidat” qui, sans le nommer, “fait l’apologie du terrorisme publiquement et vante ses relations avec un redoutable terroriste“. Un passage perçu comme une référence directe à des déclarations ayant suscité la polémique durant la campagne.
La ligne rouge : les plateformes parallèles de recensement
Le cœur de l’avertissement du Minat a porté sur ce qu’il a qualifié de “plateformes illégales” de recensement des votes. Le ministre a affirmé avoir eu vent de plusieurs initiatives : “un candidat” qui aurait créé une plateforme, “une radio internationale” et même “une jeune avocate à Douala” qui auraient mis en place des systèmes pour “recenser et proclamer les résultats”.
Face à ces projets, le ton est devenu martial. “Je leur dis sincèrement d’abandonner cette aventure criminelle, diabolique et dangereuse vouée à l’échec”, a-t-il tonné, rappelant que “seul le Conseil constitutionnel a la compétence de proclamer les résultats”. S’appuyant sur un article du Cameroon Tribune datant de 2002, il a martelé que “publier unilatéralement les résultats d’une élection est un acte de haute trahison”.
“Ceux qui tenteront de proclamer les résultats du scrutin présidentiel ou de s’autoproclamer vainqueur en violation des lois de la République auront franchi la ligne rouge et devront s’attendre à des mesures de rétorsion à la hauteur d’une forfaiture aussi grave”, a-t-il prévenu. Il a même adressé une mise en garde spécifique à un candidat qui, selon des informations de ses services, aurait l’intention de “se déclarer vainqueur à partir de son domicile”. “Les portes de sa maison ne sont pas des portes blindées”, a-t-il lancé, promettant que “au moindre dérapage, le Minat passera à l’action”.
Sérénité, légalité et fermeté : les maîtres-mots du jour J
Le ministre a assuré que l’administration territoriale, à travers les gouverneurs, préfets et sous-préfets, était pleinement mobilisée pour assurer le bon déroulement du scrutin “dès l’ouverture à la clôture des bureaux de vote”. “L’ordre public sera renforcé sur l’étendue du territoire national”, a-t-il garanti.
Il a appelé tous les acteurs à la sérénité et au respect des voies légales pour d’éventuels contentieux. “Attendre sereinement les résultats du scrutin présidentiel est la voie de la sagesse”, a-t-il conseillé, avertissant qu’ “aucun état de comportement ne sera permis”. Il a tenu à préciser, de manière menaçante, que “le titre de candidat à une élection présidentielle ne confère aucune immunité à quiconque”.
Un appel à l’humilité et un règlement de comptes politique
Dans la dernière partie de son intervention, le ministre a glissé dans un registre plus politique et personnel, visant clairement certains candidats. Sans les nommer, il a raillé “un candidat qui politiquement est présent dans 10 arrondissements sur 360” et qui “a connu d’importantes défections dans ses rangs”, l’estimant incapable de “prétendre gagner une élection présidentielle au Cameroun”.
“Chaque candidat à l’élection présidentielle connaît son vrai poids politique. La démesure amène à la perdition”, a-t-il asséné, appelant à “un peu d’humilité“. Il est allé jusqu’à se moquer de ceux qui, “obsédés par la folie des grandeurs”, consulteraient des “marabouts” leur promettant la victoire contre de l’argent. “Une élection présidentielle, ça se joue dans les bureaux de vote et non pas chez les marabouts“, a-t-il ironisé n “casus belli” en perspective
En conclusion, Paul Atanga Nji a résumé sa position par une formule sans appel : “Toute tentative de proclamer les résultats du scrutin présidentiel de manière unilatérale sera considérée par le Minat comme un casus belli et traité comme tel.”
“Force restera à la loi. Les contrevenants n’ont qu’à bien se tenir. La récréation sera terminée dès la clôture des bureaux de vote le dimanche 12 octobre 2025.”
Ce discours, à la fois cadre légal et avertissement politique musclé, plante le décor pour un soir et une journée post-électorale qui s’annoncent sous très haute tension. Le ministre a clairement indiqué que la marge de manœuvre pour toute contestation ou manifestation en dehors des procédures officielles serait réduite à zéro, promettant une réponse ferme et immédiate de l’État.