POLITIQUE

Soutien d’influence : Bony Dashaco, le magnat des médias, derrière Paul Biya pour la présidentielle 2025

Written by Annette Olinga


Dans un contexte politique camerounais marqué par une stabilité qui interroge autant qu’elle rassure, le soutien public d’une personnalité du monde des affaires et des médias est un signal fort. C’est chose faite avec l’annonce de Bony Dashaco, magnat des médias de renommée internationale et président du groupe ACMAR Media, apportant son « soutien total et indéfectible » au président sortant Paul Biya, candidat à sa propre succession lors de l’élection présidentielle du 12 octobre.

Cette déclaration, faite lors d’un entretien téléphonique au journal The Guardian Post, dépasse la simple prise de position. Elle incarne la convergence des intérêts entre une jeune élite économique ambitieuse et un pouvoir étatique vieillissant, cherchant mutuellement à légitimer leur vision de l’avenir du Cameroun.

Le pari de la stabilité et de l’expérience

Loins des slogans politiques éphémères, l’argumentaire de Bony Dashaco se construit autour d’un pilier central : l’expérience. Pour lui, le Cameroun, en tant qu’« État complexe », ne peut se permettre l’expérimentation en ces temps troublés.

« Le président Biya a, même dans les moments les plus difficiles, constamment guidé la nation vers des rivages plus sûrs », a-t-il affirmé, évoquant la capacité du chef de l’État à « amortir et surmonter les nombreuses tempêtes » auxquelles le pays est confronté. Cette rhétorique de la stabilité, dans une nation secouée par la crise sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et par la menace terroriste de Boko Haram dans l’Extrême-Nord, trouve un écho certain dans une partie de l’électorat et du monde des affaires.

Dashaco met en avant des « atouts indéniables et irréfutables » : la sagesse, le patriotisme et la clairvoyance d’un homme qui dirige le Cameroun depuis plus de quatre décennies. Il voit en Paul Biya « le meilleur garant de la stabilité de l’État » et le seul capable, par son leadership éprouvé, de préserver « la paix, l’unité, le vivre-ensemble et la cohésion sociale » dans un pays à la diversité ethnique et linguistique complexe.

Un soutien qui s’ancre dans le réel économique

Au-delà du discours politique, le soutien de Bony Dashaco s’enracine dans une logique économique tangible. En tant que président-directeur général de Dashaco Holdings, un conglomérat présent dans 22 pays africains et actif dans des secteurs aussi variés que la communication, l’énergie, la finance et l’hôtellerie, il défend un intérêt de classe.

« En tant qu’homme d’affaires, je suis heureux de soutenir le président Biya, notamment en contribuant à rendre le climat des affaires plus que jamais favorable aux investisseurs », a-t-il déclaré. Ce soutien est une reconnaissance, mais aussi un plaidoyer pour la continuité d’un environnement économique connu, malgré ses imperfections. C’est le pari que la stabilité du régime, même critiquée, est préférable à l’incertitude d’un changement.

Son action dans la région en crise du Sud-Ouest est, à cet égard, éloquente. Alors que beaucoup d’investisseurs ont fui l’insécurité, Dashaco a maintenu ses activités, préservant ainsi les emplois de ses employés et contribuant à la subsistance de nombreuses familles. Cette initiative, « courageuse » et saluée par l’État, démontre une forme d’engagement sur le terrain qui donne du poids à ses paroles. Elle lui a d’ailleurs valu le titre traditionnel rare de « A Timbi-Lionge wa Soppo ndene » (« Grand Opérateur et Pilier Économique ») de la part du chef du Grand Soppo.

Un pont entre le pouvoir central et les crises périphériques

La légitimité de Bony Dashaco ne repose pas uniquement sur sa réussite financière. Il s’est positionné comme un acteur engagé dans la résolution des crises qui secouent le pays. Membre du comité de suivi de la mise en œuvre du Grand Dialogue national – initiative du président Biya pour trouver une sortie de crise dans les régions anglophones – il a également joué un « rôle clé » dans l’organisation du Forum de développement du Sud-Ouest en 2022.

Son plaidoyer pour une « résolution de la crise anglophone par de solides réformes économiques » montre une approche qui cherche à traiter les causes profondes du conflit par le développement. En soutenant des événements culturels comme le Festival culturel du Sud-Ouest, il participe à la préservation d’un tissu social mis à mal.

Ce positionnement fait de lui un interlocuteur crédible aux yeux du pouvoir, un relai d’influence capable de porter la voix de Yaoundé dans des régions où celle-ci est contestée, et inversement.

Le médiatique au service du politique

Le cœur du pouvoir de Bony Dashaco réside dans son empire médiatique. Le lancement en 2021 de trois chaînes de télévision – Dash TV, Dash Info et Dash Sports & Entertainment – a considérablement élargi son audience et son influence. En « ouvrant la voie au secteur audiovisuel du pays », il détient désormais un puissant moyen de façonner l’opinion publique.

Son soutien à Paul Biya n’est donc pas neutre. Il s’accompagne d’une capacité à diffuser un narratif favorable au pouvoir en place, à mettre en avant les arguments de la stabilité et de l’expérience, et à offrir une vitrine à un projet politique qu’il juge compatible avec le développement économique du Cameroun.

Reconnu très tôt pour son potentiel – nominé comme « Leader africain de demain » par l’Institut Choiseul en 2014 et classé parmi les 100 meilleurs managers africains de moins de 40 ans en 2016 – Bony Dashaco incarne une nouvelle génération de leaders africains qui associent entrepreneuriat agressif et engagement politique stratégique.

Conclusion : Un signal dans le paysage politique

Le ralliement de Bony Dashaco à la candidature de Paul Biya est bien plus qu’une simple news. C’est un symbole. Le symbole qu’une partie de la jeune garde économique camerounaise, dynamique et internationalisée, choisit de s’allier avec l’ancien monde politique, estimant que la continuité et l’expérience sont les meilleurs atouts pour naviguer dans une période globalement incertaine.

En affirmant et réaffirmant son « engagement à soutenir les institutions républicaines et le président Paul Biya, qui les incarne en permanence », Dashaco ne fait pas seulement un choix électoral. Il fait un pari sur l’avenir du Cameroun, un avenir qu’il voit résolument sous le signe de la permanence et d’une stabilité dont lui et son empire économique se veulent les partenaires privilégiés.

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