SOCIETE

Amphithéâtre 225 de l’UYI : Les étudiants découvrent la success story de Bôme François, un modèle entrepreneurial camerounais

Written by Annette Olinga

Dans l’amphithéâtre 225 de l’université de Yaoundé 1, à Ngoa Ekélé, une atmosphère à la fois studieuse et inspirante régnait ce jeudi 12 octobre 2025. Face à une assistance composée majoritairement d’étudiants avides de conseils et de modèles concrets, se tenait François Ekouma Ananga, promoteur de la société François Santé et créateur du désormais célèbre produit « Bôme François ». L’événement, organisé en collaboration avec la Faculté des Sciences de l’Éducation, s’inscrivait dans une série de conférences visant à incarner la nouvelle philosophie éducative camerounaise : former non plus des demandeurs d’emploi, mais des créateurs d’entreprise.

Sous la houlette du Pr Bela Cyrille, doyen de la faculté des Sciences de l’Éducation, l’initiative s’ancre dans la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 25 juin 2023, qui opère un changement de paradigme radical. « On est passé du slogan “Un étudiant, un emploi” à “Un étudiant, une entreprise” », a rappelé le doyen en ouverture de la conférence. Cette volonté politique de professionnalisation des études, via le système Licence-Master-Doctorat (LMD), vise à résoudre structurellement le problème du chômage des diplômés. L’État ne pouvant plus absorber tous les lauréats de l’université, l’institution se doit de favoriser l’éclosion d’une culture entrepreneuriale.

Les objectifs de cette symbiose entre le monde académique et le secteur économique sont clairs :

  • Immersion et partage de bonnes pratiques entrepreneuriales
  • Structuration de l’avenir des étudiants par l’innovation
  • Encadrement et interactions entre formations universitaires et savoirs professionnels
  • Développement de l’employabilité par la médiation d’entrepreneurs modèles

C’est dans ce cadre que l’histoire de François Ekouma Ananga, un homme parti de presque rien pour bâtir un empire, a été présentée comme un cas d’école.

Le récit d’une success story : du songe à la réalité multinationale

L’histoire de Bôme François tient du conte entrepreneurial moderne. Elle commence le 3 mai 2021, par une « révélation », un songe reçu par François Ekouma, alors évangéliste dans la région de l’Ouest du Cameroun. « Tout était clair dans mon esprit », confie-t-il. De retour chez lui, il partage sa vision avec son épouse. Le 15 juin 2021, avec un budget de départ dérisoire de 40 000 FCFA – une somme offerte par sa fille –, le couple se lance dans la fabrication du premier produit.

Au début, l’entreprise est une affaire strictement familiale : « Le nombre de personnes employé au début de la fabrication était de deux personnes, c’est-à-dire son épouse et lui-même. Et une fois deux personnes, la fille. » Leurs premières armes ? Les marchés populaires. Leur stratégie initiale ? Le marketing de proximité et la démonstration par l’exemple. Face au scepticisme des consommateurs camerounais, méfiants envers les produits locaux, l’équipe proposait des massages gratuits. « En quelques minutes, 20 personnes nous appelaient pour passer la commande », se souvient-il.

La persévérance paie. En trois mois et demi, le capital passe de 40 000 FCFA à 750 000 FCFA. Leur présence au marché de Douala fut un tournant : 400 unités vendues en trois heures, convainquant ainsi les premiers partenaires de la viabilité du business.

Les piliers d’une stratégie marketing révolutionnaire

La croissance exponentielle de Bôme François ne doit rien au hasard. Elle repose sur une stratégie marketing et un modèle de réseau ingénieux, que François Ekouma a longuement détaillés.

  1. Le recrutement par la preuve : Face à la défiance initiale, M. Ekouma a compris qu’il fallait montrer, pas seulement dire. En emmenant des personnes dans les marchés et en leur permettant de constater par elles-mêmes les ventes rapides, il a converti les sceptiques en ambassadeurs.
  2. La puissance du réseau et du système de commission : Le modèle économique est fondé sur la motivation financière. Chaque vendeur gagne 40% de commission sur chaque produit vendu. Mais l’innovation réside dans l’incitation à créer son propre réseau. « Si tu crées une équipe, tes enfants gagneront 40% comme toi. Mais il aura une différence entre toi et ton équipe… tu auras 25 francs sur chaque Bôme vendu » par les membres de ton réseau. Ce système pyramidal, basé sur la rémunération des équipes, a créé un effet boule de neige.
  3. Une philosophie de vente percutante : « En marketing, on ne vend pas le produit, mais ce qu’on dit du produit », enseigne-t-il à ses collaborateurs. Il s’agit de vendre une promesse – celle du bien-être – et une opportunité – celle de l’enrichissement personnel.
  4. L’autonomie et la confiance : Les vendeurs sont libres d’opérer où ils le souhaitent et reçoivent leurs commissions sans délai, ce qui a instauré un climat de confiance et favorisé l’expansion géographique.

De l’échelle locale à la dimension mondiale : un empire en expansion

Aujourd’hui, le bilan est spectaculaire :

  • Présence nationale : Les produits Bôme François sont vendus dans les 10 régions du Cameroun.
  • Expansion africaine : L’entreprise est implantée dans plus de 10 pays africains, dont la RCA, la RDC, le Congo, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo, le Mali, le Gabon et la Guinée Conakry.
  • Percée en Occident : Les produits sont également disponibles en France, en Allemagne, en Belgique et aux États-Unis.
  • Impact social : L’entreprise génère aujourd’hui des revenus pour environ 25 000 personnes (producteurs, commerciaux).
  • Chiffre d’affaires : La société François Santé affiche un chiffre d’affaires annuel estimé à 300 millions de FCFA. M. Ekouma précise qu’il s’agit du chiffre de sa seule société, et non du chiffre consolidé de l’ensemble de son réseau, qui serait bien plus élevé.

Les leçons d’un leader : souffrir pour entreprendre

Face aux étudiants, François Ekouma s’est présenté en praticien de la résilience. Son credo : « Entreprendre c’est souffrir, Souffrir c’est entreprendre. » Il insiste sur la nécessaire dissociation entre le diplôme et la réussite. « Le diplôme seul ne peut pas nourrir une famille ni toi-même… Tu peux avoir de gros diplômes, on te trouve au marché de Mokolo… Tu ne dois jamais t’éloigner de ce qui est dans ton esprit. »

Son message est un appel à l’action et à l’humilité : commencer avec les moyens disponibles, croire en sa vision face à l’adversité, et surtout, se réinventer constamment. « Si tu ne fais rien, rien ne se fera. »

Un modèle pour la nouvelle génération

La conférence de François Ekouma à l’amphithéâtre 225 fut bien plus qu’un simple témoignage. Elle a été une démonstration vivante de la faisabilité des ambitions entrepreneuriales camerounaises, même dans un contexte de départ difficile. En exposant sa stratégie de réseau et son modèle de gestion, il a offert aux étudiants une feuille de route pragmatique.

Alors que l’Université de Yaoundé 1 s’efforce de former les bâtisseurs de l’économie de demain, l’histoire de Bôme François sert de preuve tangible que l’innovation, la persévérance et une stratégie marketing bien pensée peuvent transformer une simple idée, née d’un songe et portée par 40 000 FCFA, en une success story mondiale. Elle incarne cette nouvelle ère où l’étudiant-entrepreneur camerounais, armé de son savoir académique et de modèles inspirants, peut viser non seulement le marché local, mais aussi conquérir le continent et au-delà.

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