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Cameroun: Les dessous du projet Renatu, entre corruption et retard technique

Written by Annette Olinga

Le réseau national de télécommunications d’urgence (Renatu) est un projet ambitieux qui vise à doter le Cameroun d’une infrastructure de communication moderne et sécurisée, capable de faire face aux situations de crise et de renforcer la sécurité du pays. Lancé en 2012, le projet devait être achevé en 2020, mais il accuse un retard considérable, et suscite des polémiques entre le gouvernement et le prestataire chinois ZTE.

Un projet stratégique aux multiples retards

Le Renatu est né d’une volonté du président Paul Biya, qui avait exprimé son besoin lors d’une visite en Chine en juillet 2011. Il s’agit de mettre en place un dispositif de communication adapté aux catastrophes et aux situations d’urgence, ainsi qu’un système d’alerte précoce efficient. Le projet comprend cinq composantes principales:

  • Un réseau de radiocommunication à ressources partagées, qui permet aux équipes gouvernementales de gérer les urgences de manière confidentielle et sécurisée, sans dépendre du réseau public.
  • Un système de communications d’urgence, qui assure la prise en charge des appels de détresse provenant des abonnés détenteurs d’un terminal mobile avec ou sans puce.
  • Un système de vidéosurveillance, qui assure la protection des personnes et des biens, en enregistrant et exploitant les images captées par les caméras.
  • Un système de vidéoconférence, qui permet de communiquer avec un interlocuteur à distance et de le voir à travers une fenêtre virtuelle.
  • Un système e-police, qui renvoie à une plateforme technologique centralisée de gestion des opérations de sécurité.

Le projet est piloté par le ministère des Postes et Télécommunications (Minpostel), avec le soutien financier de la banque d’export-import de Chine (Eximbank-Chine), qui a accordé un prêt partiel de 77,7 milliards de Fcfa. Le contrat commercial a été signé le 21 décembre 2012 entre le gouvernement camerounais et l’entreprise ZTE Corporation, qui a été choisie comme prestataire technique.

Le démarrage effectif des travaux a eu lieu le 05 février 2017, avec un délai de réalisation de trois ans. Mais le projet a connu de multiples retards, dus à des difficultés techniques, logistiques et administratives. En juin 2022, une réception provisoire a été effectuée, mais elle n’a pas mis fin aux problèmes. En effet, le prestataire a demandé, à la surprise générale, un budget supplémentaire de 4 milliards de Fcfa, pour achever l’optimisation du réseau et former le personnel camerounais à la maintenance de l’infrastructure.

Des soupçons de surfacturation et de corruption

Le projet Renatu a également suscité des soupçons de surfacturation et de corruption, de la part du prestataire et de certains responsables du Minpostel. Selon des sources proches du dossier, des inspections ont révélé des anomalies dans le devis quantitatif et estimatif du marché. La somme des prestations calculée est inférieure au montant inscrit sur le contrat, soit une différence d’environ 2 milliards de Fcfa. De plus, la remise spéciale proposée par ZTE dans son offre financière n’a pas été prise en compte dans le devis. Les coûts relatifs au fret et à l’assurance ont également été gonflés. Sur ce plan, l’entreprise ZTE a presque toujours rejeté ces accusations.

On ne comprend pas comment un projet qui ‘a pas été exécuté dans sa totalité a quand même été payé à pratiquement 100% au prestataire. Nous décrions ce projet et ses malversations qui pourront un jour nuire à la tranquillité des uns et des autres pendant que le prestataire sera retourné en Chine et ne pourra pas répondre de ses actes” s’indigne une source proche. La même source s’inquiète quant à l’avenir de ce projet qu’elle qualifie de grosse arnaque avec la complicité des responsables tapis dans l’ombre.

Au-delà de tout, comment ZTE est parvenue à consommer une importante partie du budget alloué soit 95% en novembre 2023 pour 64% de réalisations? une frange d’acteurs estime que ses entrées à la présidence de la République ont contribué à Fragiliser le maitre d’ouvrage.
Aujourd’hui, certains experts ne cessent de dénoncer son seulement ce projet qui est à l’abandon, le prestataire ayant cessé les travaux
mais également de se poser la question de savoir pourquoi le Cameroun a opté pour une technologie GOTA c’est-à-dire 2 G et des plateformes CDMA, déjà en fin de vie, et qui n’existent plus aujourdhui.

Le projet avait une durée initiale de 24 mois, à compter du mois de janvier 2017, juste après la signature du contrat de 109,1 milliards de FCFA entre l’État du Cameroun et l’équipementier des télécoms chinois ZTE. Le Réseau national des télécommunications d’urgence (RNTU) n’est pas toujours livré en 2024.

Depuis 2013, les autorités camerounaises avaient déjà émis des réserves sur le projet de ZTE d’utiliser la technologie 2G, jugée déjà obsolète à cette époque, dans le cadre de la réalisation de ce projet. Dans un procès-verbal officiel, la partie camerounaise exige la « 3G en priorité », et la « 4G à titre expérimental ». Dix ans plus tard, on n’a pas pu confirmer si cette exigence des autorités a été finalement prise en compte dans la conduite du projet.

Le projet Renatu est donc loin d’être achevé, et il continue de faire l’objet de controverses. Il reste à savoir si le gouvernement et le prestataire seront capables de trouver un terrain d’entente, et de livrer une infrastructure conforme aux attentes et aux besoins du Cameroun.

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